Ce matin, alors que je marchais d’un bon pas vers mon travail, sacoche d’ordinateur à l’épaule, en robe d’été, je vois sans tourner la tête, dans mon champ de vision, un camion sur la route à côté de moi qui ralentit puis s’arrête. D’un ton suggestif, graveleux je dirais (oui le ton c’est important), le camionneur me sort un « tu es très très jolie, mademoiselle ». J’ai regardé une demi-seconde, par réflexe, ce monsieur qui a bien la quarantaine minimum et qui se croit permis de me parler sur ce ton, avant d’accélérer le pas pour atteindre mon bureau, tout en regardant mes chaussures.
Je raconte l’incident à une collègue qui m’explique que je devrais prendre ça comme un compliment.
Et bien non, désolée, je ne suis pas flattée, et la petite scène plus haut n’est pas l’histoire d’un homme qui complimentait respectueusement une passante qui n’est rien qu’une aigrie et voit le mal partout.
Le « catcalling », les hep ma jolie, les sifflements, les aboiements (histoire vécue, si si) différent grandement d’un compliment respectueux, que ce soit par le ton ou les mots employés. Et puis, ce n’est pas pour me faire sentir bien, puisque de toute évidence ce n’est pas le cas, il y a qu’à voir la tête que je fais en réponse. C’est pour lui que le « catcaller » fait ça, je ne sais pas pourquoi, mais me faire sentir mal à l’aise, me forcer à lui prêter quelques secondes de mon attention quand je n’ai pas le temps ou tout simplement pas envie, ben ça lui plaît, puisque de toute évidence ils continuent après mes réactions négatives et ne s’excusent pas de m’avoir importuné, bien au contraire. Il n’y a aucune bienveillance là-dedans.
« Pourquoi tu prends ça négativement, prends-le comme un compliment ». Je ne supporte plus ce genre de remarque, et je ne les laisse plus passer en silence, au risque pour passer pour la féministe de service. Arrêtez d’essayer de m’expliquer comment je devrais ressentir la situation ou pas. Si je ressens ça, si plein de femmes n’aiment pas cette situation, peut être que ce n’est pas à nous de remettre notre réaction en question.
Ce que je ressens instinctivement dans ces moments, c’est de l’embarras, et une forte envie de fuir la situation au plus vite. Et ça c’est dans le meilleur des cas, quand le catcalling se change en insulte parce que je n’ai pas envie de répondre, je ressens de l’incompréhension de l’humiliation et de la colère. Si ça arrive au milieu de la nuit dans une rue déserte et que le type ne me lâche pas les basques rapidement ou/et qu’il est en bande, j’avoue j’ai un peu peur, un bon coup de stress.
« Tu n’as qu’à pas porter de robes » Oui et puis je devrais plus sortir de chez moi aussi, comme mesure préventive. Je ne vais pas me couvrir de la tête au pied parce qu’il y a des gens qui ne sont pas capable de traiter les autres êtres humains avec respect juste parce qu’ils portent une robe ou même parce qu’ils sont un peu différents d’eux (genre une femme quoi, la moitié de l’humanité à peu près, pour situer).
Certes ce matin, il ne m’a pas insulté quand j’ai fait la sourde oreille, je ne me suis pas sentie menacée, l’incident était vite clos. Mais je n’ai pas apprécié le ton de ce monsieur, on s’adresse aux inconnus poliment, normalement, non ?
« Je suis pas méchant » Une fois, alors que j’étais dans un métro, avec un mal de ventre tenace et envie de retrouver mon chez moi au plus vite, un jeune homme me fixe, et j’évite son regard en espérant que mon manque d’intérêt serait suffisant pour le dissuader. Il finit par se rapprocher de moi pour venir me faire la morale parce qu’il est « un gentil garçon » m’engueule parce que je ne lui ai pas donné mon attention. Je ne sais pas vous mais moi quand je suis mal à m’en plier en deux, que je suis occupé à masquer ma souffrance tout en rêvant au moment béni ou je pourrais prendre un antidouleur, je ne cherche pas la discussion et encore moins la polémique. Et pendant ce temps le « gentil garçon » niait que j’étais un être humain qui peut être avait ces raisons.
Et je ne dis pas du tout que tous les hommes sont comme ça (heureusement, on serait mal barrés sinon), mais ces situations arrivent trop souvent, à trop de femmes, et je ne sais pas pourquoi on vit dans un monde où c’est normal et aussi accepté, comme comportement, c’est « pas grave », c’est « bon enfant ».
Donc voilà je voulais juste prendre le temps d’expliquer que je trouve ces situations désagréables, et que quand on s’indigne sur le harcélement de rue, on n’exagère pas, on ne demande rien de plus que d’être traité comme un être humain, avec respect, en fait.