“Je veux tout, tout de suite, et que ce soit entier, ou alors je refuse” Jean Anouilh, Antigone

Mon cher lecteur, ma chère lectrice

Je doit te dire que les Antigones me défrisent un peu avec leur discours soit disant féministes et leur opposition aux Femen . Et surtout avec leur “élégance”, avec leurs jolies coiffures, leur belles robes blanches de jeunes filles pures.  Je sais pas pourquoi ça m’a fait pensé aux pubs de la femme Lanvin dont mademoiselle Agnès c’était brillamment moquée.  Mais là j’ai un peu la critique facile et légère.

Mon vrai problème c’est leur discours sur la complémentarité, se construire avec les hommes et pas contre eux, le coté “c’est trop bien d’être épouse et mère et amante”.

Mon point de vue c’est que là où elle n’ont pas complétement tort c’est que les femmes devraient être aussi appréciées dans leur différences. Un exemple qui me vient à l’esprit c’est le fait que les aidants naturels volontaires qui prennent soin des enfants ou des  personnes agées atteintes de  maladies de longue durées sont beaucoup plus souvent des femmes, qui pour des tas de raisons (pas forçément biologique) endossent ce rôle difficile.  Hors comme par hasard on accorde pas de valeur, surtout économique, à ce genre de qualités.

Ce qui me déplaît en revanche c’est  qu’elles se retournent contre les Femen. Les femen n’ont jamais pretendues être la voix de toutes les femmes, et je trouve qu’un peu de révolte contre un certain matchisme ambient, ça rafraîchit, même si j’ai des réserves, moi aussi, sur la forme. Parce qu’au fond je suis d’accord qu’on vit encore dans un monde fait d’abord pour les hommes, un peu. Et etant une femme, ça m’embête, bien évidemment.

Je vais pas vous ressortir les stastiques sur les femmes chefs d’entreprises ou au parlement non plus, on est courant. Je vais pas vous parler de tout ces posters d’abribus qui m’exaspère, avec des femmes retouchées, forçément belles, et bien souvent toutes nues. Ni de ces choses presques ordinaires qui se passent au travail, quand on vous dit que vous êtes jolies et qu’on se sent gênées parce qu’on aimerait plutôt  s’entendre dire plutot qu’on a bien bossé, au moins être considéré avant tout comme un être humain. Et je parlerais pas de ses deux abrutis qui m’ont sifflés dans la rue en rentrant du travail.  Je passe sous silence toutes les choses moins ordinaires que d’autres raconteront mieux que moi. Certes c’est mieux qu’avant, mais c’est pas parfait, et il suffit d’une crise économique pour qu’on recule.

Je sais bien que certains hommes soutiennent la cause féministe, mais je croise réguliérement encore des grands tenants du matchisme qui souhaiterait bien me remettre à la place où ils pensent que je devrais être, derrière une cuisinière  (j’éxagère à peine, j’ai déjà entendu dire que les femmes prennent les boulots des hommes, que c’est très bien d’autorisé la prostitution etc…).  Et toutes ses pratiques sociales qui ne changent pas, et ces petites institutions qui perpetuent les inégalités sans qu’on les remettent en question, presque invisiblement.

L’une des grandes qualités de l’Antigone d’Anouilh, c’est de savoir poser les questions qui dérangent, de savoir pointer les absurdités du monde qui l’entoure, de ne pas accepter de vivre avec. Elle bouscule . Les Antigones au contraire manquent de sens critique envers la situation des femmes aujourd’hui dans leur discours.

J’ai un peu disgréssé, mais en fait à l’origine je voulais te parler de la pièce d’Anouilh donc, pour te dire que si tu l’a pas lu, lis-la. Ce qui fait la force de cette pièce pour moi, c’est d’une part la beauté du language, avec des dialogues qu’on récite juste pour le plaisir de les réentendre, tant ils sonnent justes. Le thème central aussi, qui oppose l’idéalisme de la jeunesse,  à un certain pragmatisme vieillissant, sonne toujours autant d’actualité même 70 ans après l’écriture de la pièce. Lorsque j’ai eu ce texte entre les mains pour la première fois, à l’adolescence, j’étais entiérement d’accord avec Antigone l’entière, et avec le refus des compromis. Mais j’ai revu cette pièce récemment, et je me suis apercu qu’en avançant dans la vie je commence à mieux comprendre Créon, tout en admirant, un peu comme lui, la capacité de révolte d’Antigone, qui n’accepte que l’idéal. Mais le moment qui me retourne à chaque fois, et qui ajoute à la complexité du personnage et nous rapproche d’elle, c’est sa lettre dictée au garde.

Pour finir en ce qui concerne ma disgression, je sais pas si mon argumentaire est très clair, ce que je veux dire, en gros c’est que je ne me reconnait ni dans les Femen, ni dans les Antigones, que ça m’enerve que les médias parlent du problème que quand on se décide à s’habiller chelou (voire pas). Et que c’est certainement ni ce genre de divisions entre femmes, ni les robes blanches et l’image idéalisée de la femme proposée par les Antigones qui améneront un vrai changement  dans les mentalités, et dans la société.

P.S.: J’étais à deux doigts de t’écrire un long billet de lamentation post rupture sur ses exs qui nous ignorent, mais la féministe en moi a été un peu pincée et à pris le dessus. Un jour,  je te parlerais de toute l’admiration profonde que j’ai pour Simone de Beauvoir,  une vraie féministe, et une sacrée femme aussi.

Lysette